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« L’expertise que nous avons développée ici sera inestimable pour le Télescope Einstein »

En novembre 2023, les promoteurs du Télescope Einstein se sont réunis à Liège pour célébrer les résultats du projet R&D innovant E-TEST et de son pendant économique ET2SMEs. Annick Pierrard, contact science-to-business à l’Université de Liège, a joué un rôle important dans ces deux initiatives et nous fait part de ses réflexions sur leurs résultats.

Annick Pierrard lors de l’événement de lancement de E-TEST / ET2SMEs. Photo : Barbara Brixhe Photographies
Tout d’abord, quels étaient les objectifs de ces deux projets ?

« E-TEST a été conçu il y a cinq ans comme un projet transfrontalier Interreg EMR visant à préparer l’Euregio Meuse-Rhin pour le Télescope Einstein. Il y avait deux activités principales, à savoir la conception et la création d’un prototype de miroir cryogénique pour l’installation, et des études géologiques pour déterminer les emplacements souterrains optimaux pour l’installation du Télescope Einstein.

En plus de cet aspect scientifique, nous voulions aussi un aspect économique : nous voulions que les entreprises de la région profitent des opportunités que le Télescope Einstein pourrait apporter ! C’est pourquoi nous avons conçu ET2SME pour informer les entreprises et les inciter à travailler ensemble et à innover dans leurs technologies. »

Cette collaboration est-elle importante pour vous ?

« Tout à fait. Rétrospectivement, j’ai toujours été intéressé par le fait de travailler à l’intersection de la science et de l’entreprise. Après avoir étudié la biochimie à l’université, j’ai trouvé un rôle à jouer pour favoriser le transfert de connaissances et l’innovation interdisciplinaires. Par exemple, dans le cadre d’un projet visant à créer un prototype de capteur portable pour les patients hospitalisés, en collaboration avec des scientifiques, des professionnels de la santé et des ingénieurs. J’ai été ravie d’encourager de telles collaborations autour du thème du Télescope Einstein. »

Comment vous êtes-vous impliqué dans ces projets ?

« L’élément déclencheur a été ma rencontre avec le professeur Christophe Collette, qui dirige l’unité de recherche Aerospatial & Mechanic de l’Université de Liège. Il m’a parlé de l’idée de construire un miroir sans vibration pour le télescope d’Einstein qui fonctionne à 20 kelvins, juste au-dessus du zéro absolu. J’ai tout de suite su que je voulais y participer. Nous avons rédigé et soumis le projet ensemble. J’ai ensuite rejoint le consortium E-TEST en tant que coordinateur général et je suis devenu business developer pour ET2SME lorsque le projet a été récompensé un an plus tard. »

Et comment cela s’est-il passé ?

« C’était vraiment du travail et des montagnes russes ! Nos projets ont été lancés au début de COVID, ce qui signifie qu’il n’y a pas eu de réunions en face à face pour lancer les projets, ni d’ateliers pour discuter de la manière dont les entreprises pouvaient apporter leur expertise pour relever nos défis technologiques. Mais nous avons réussi.

Nous avons conçu et réalisé le prototype du miroir, qui est actuellement testé au CSL ULiège, organisé des réunions pour le grand public, émis des bons pour inciter les entreprises à collaborer à des projets de R&D, réalisé des études géologiques… Nous avons même convaincu les politiciens de geler temporairement les parcs éoliens, les carrières et les projets miniers dans la zone d’exploration ET en Wallonie, car ils pourraient provoquer des vibrations qui perturberaient les mesures du Télescope Einstein. »

Pourquoi est-il si important d’impliquer les entreprises ?

« Mes scientifiques me disent que, quel que soit l’endroit où le Télescope Einstein sera implanté, l’expertise que nous avons développée ici sera inestimable pour la conception et la production de la technologie finale. En impliquant les entreprises régionales dès la phase initiale, nous leur permettons d’acquérir de l’expérience et de se positionner sur un marché mondial. Cela entraîne toujours des retombées inattendues. Mais la recherche a aussi besoin de l’industrie : les entreprises aident les scientifiques à garder les pieds sur terre tout en regardant les étoiles. »

De quoi les entreprises ont-elles besoin pour s’impliquer ?

« Les entreprises ont besoin d’attentes très claires. Bien sûr, elles veulent du travail à court et à moyen terme, mais les entreprises de haute technologie veulent aussi une vision à long terme de l’avenir. Le Télescope Einstein et toutes les activités qu’il attirera constituent une telle vision. Pour aider les entreprises de notre région à se préparer à ces opportunités, nous parlons de catalogues en ligne de technologies ET décrivant les défis technologiques attendus, de stratégies de valorisation régionales mais aussi transfrontalières, et de financement pour continuer à stimuler la R&D. »

Enfin, quel est le lien le plus surprenant que vous ayez établi ?

« C’est le travail avec les responsables du parc paysager du Bocage sans frontières (Ann-Sophie Debergh). Au départ, ils craignaient que nous ne construisions d’énormes structures en surface, mais le Télescope Einstein sera installé à 200 ou 300 mètres sous terre. Nous avons réalisé, avec les municipalités concernées, que nous avions un objectif commun de protection de ce paysage unique.

L’obtention du statut officiel de parc paysager du Bocage sans frontières signifie que la zone centrale d’exploration du Télescope Einstein restera suffisamment calme pour que les mesures d’ondes gravitationnelles les plus sensibles au monde puissent y être effectuées ! »

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