Télescope Einstein, en route vers l’Europe!
La proposition d’inclure le Télescope Einstein, projet novateur d’observatoire d’ondes gravitationnelles de troisième génération, à la feuille de route du Forum stratégique Européen pour les grandes infrastructures de recherche (European Strategic Forum for Research Infrastructures, ESFRI), a été soumise cette semaine. La feuille de route ESFRI décrit les projets majeurs de futures infrastructures de recherche en Europe. Le Télescope Einstein (ET, pour Einstein Telescope) est le projet le plus ambitieux d’observatoire d’ondes gravitationnelles sur Terre. L’incroyable réussite scientifique des collaborations Advanced Virgo (en Europe) et Advanced LIGO (aux Etats-Unis) ces cinq dernières années marquent le début de l’ère de l’astronomie gravitationnelle. L’aventure a commencé avec la première détection directe d’ondes gravitationnelles en Septembre 2015, et s’est poursuivie en Août 2017 lorsque Advanced Virgo et Advanced LIGO ont observé les ondes gravitationnelles émises par la fusion d’étoiles à neutrons. Simultanément, des signaux de cette fusion ont été observés par plusieurs télescopes traditionnels (sur Terre et dans l’espace), sur l’entièreté du spectre électromagnétique, allant des ondes radio aux rayons gamma. Cette observation a marqué l’avènement de l’astronomie multi-messagers.
La détection récente par Advanced Virgo et Advanced LIGO de la fusion de deux trous noirs en un trou noir 142 fois plus massif que le Soleil (dans la classe des trous noirs de masse intermédiaire) a démontré l’existence de tels objets dans l’Univers.
Afin d’exploiter pleinement le potentiel de cette discipline scientifique naissante, une nouvelle génération d’observatoires est attendue. ET devrait permettre aux scientifiques de détecter les fusions de trous noirs intermédiaires sur l’ensemble de l’histoire de l’Univers, et d’ainsi mieux comprendre son évolution. Ses observations lèveront le voile sur l’Univers sombre et devraient permettre de mieux comprendre le rôle de l’énergie sombre et de la matière noire dans l’évolution des grandes structures du Cosmos.
ET explorera la physique des trous noirs avec une précision inégalée. Ces corps célestes extrêmes, prédits par la théorie de la Relativité Générale d’Albert Einstein, sont les candidats idéaux pour tester les failles possibles de la théorie, grâce à leur champ gravitationnel extrême. ET devrait aussi détecter des milliers de fusions d’étoiles à neutrons chaque année, améliorant ainsi notre compréhension du comportement de la matière dans des conditions extrêmes de densité et de pression, qui ne peuvent être reproduites en laboratoire. Ce sera également une chance d’explorer la physique nucléaire qui contrôle l’explosion des étoiles en supernovae.
Ces objectifs scientifiques ambitieux nécessitent un observatoire capable de détecter des ondes gravitationnelles avec une sensibilité au moins dix fois supérieure à celle des détecteurs actuels (dits de seconde génération). ET prendra place dans une nouvelle infrastructure et nécessitera le développement de technologies beaucoup plus avancées que celles à disposition aujourd’hui. La phase de conception d’ET a été financée par un fond de la Commission Européenne. Cette semaine, un consortium d’universités et instituts de recherche en Europe, associés au soutien politique de cinq pays Européens, la Belgique, les Pays-Bas, l’Espagne, la Pologne et l’Italie, cette dernière étant le « lead country », a soumis officiellement la proposition de construire une telle infrastructure sur le sol Européen.
L’Observatoire Gravitationnel Européen (European Gravitational Observatory, EGO) en Italie hébergera le siège temporaire d’ET. Le consortium rassemble 40 universités et instituts de plusieurs pays Européens, comprenant, en plus des cinq pays mentionnés ci-dessus, la France, l’Allemagne, la Hongrie, la Norvège, la Suisse et le Royaume-Uni. Un projet similaire, le Cosmic Explorer, pourrait également voir le jour aux Etats-Unis.
A l’heure actuelle, deux sites possibles pour la construction d’ET sont en cours d’évaluation: la région Euregio-Meuse-Rhin, à la frontière entre la Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne, ainsi que la Sardaigne en Italie. L’étude de ces sites est en cours et la décision de la localisation d’ET sera prise endéans les cinq ans.
En Belgique, l’ensemble des universités, le F.R.S.-FNRS et le FWO soutiennent le projet de Télescope Einstein. Sept d’entre elles (UCLouvain, ULB, ULiège, KULeuven, UAntwerpen, UGent et VUB) sont déjà membres de la collaboration Advanced Virgo. Avec l’UHasselt et d’autres partenaires aux Pays-Bas et en Allemagne, elles s’investissent également dans la construction du prototype ET-Pathfinder à Maastricht, dans les technologies de contrôle de bruit et l’étude géologique du site à la frontière entre la Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne, avec le projet E-TEST. Plus généralement, la Belgique voit depuis 2015 se construire une communauté forte de scientifiques impliqués dans le domaine des ondes gravitationnelles, tant du point de vue théorique qu’instrumental, ou encore en lien avec l’analyse des données.