Les constructeurs de lasers à la recherche d’ondes gravitationnelles invisibles
Des chercheurs de l’Institut Fraunhofer pour la technologie des lasers ILT d’Aix-la-Chapelle travaillent sur le laser au cœur du Télescope Einstein.
Les spécialistes des lasers Patrick Baer et Melina Reiter (ILT, Aix-la-Chapelle) étudient les possibilités d’une solution pour les lasers du Télescope Einstein. Les ondes gravitationnelles qu’il recherchera sont elles-mêmes invisibles, mais pour les détecter, il faut de la lumière. Une lumière laser plus précisément, car elle ne se disperse pas comme la torche de votre téléphone portable. En effet, un laser forme un faisceau étroit qui ne s’affaiblit pas. Les chercheurs veulent faire rebondir des lasers dans les tunnels de dix kilomètres de long du Télescope Einstein, en recherchant d’infimes variations de la distance entre les détecteurs situés aux sommets.
Dès le début de leur projet, Baer et Reiter impliquent des entreprises et recherchent des synergies : « Cette longueur d’onde et cette technologie n’ont pas encore fait l’objet de travaux. C’est pourquoi, lorsque nous publions nos résultats, nous nous attendons à ce que l’intérêt suscité aille bien au-delà de la recherche fondamentale », explique Patrick Baer.
Comment vous êtes-vous lancés dans la recherche sur les lasers ?
MR : « Il y a quelques années, j’ai postulé pour un emploi d’étudiante-assistante à l’Institut Fraunhofer. Avant cela, je n’avais jamais mis les pieds dans un laboratoire, mais il me semblait intéressant de mettre en pratique mes connaissances théoriques. Par exemple, l’utilisation de modèles informatiques pour prédire les performances de notre système laser et leur mise à l’épreuve en laboratoire avec les composants réels. »
PB : « Pendant mes études de physique, je me suis toujours intéressé à la recherche dont les résultats pouvaient être exploités directement. Les instituts Fraunhofer ont pour mission de poursuivre le développement des technologies issues des universités et des instituts de recherche, de les mettre au service de l’industrie et de favoriser les retombées. Cela me convenait parfaitement. »
Quelle est la difficulté du laser pour le Télescope Einstein ?
PB : « Nous avons besoin d’un faisceau laser qui soit à la fois très puissant et très stable sur de nombreux plans : intensité, polarisation, direction, etc. Il existe une technologie répondant à ces spécifications, mais seulement à une longueur d’onde d’un micromètre, une longueur d’onde qui n’est pas reflétée par les miroirs en silicium du Télescope Einstein. Nous avons donc dû construire de toutes pièces un nouveau laser fonctionnant autour de deux micromètres. »
MR : « Nous avons opté pour un laser à fibre basé sur la fibre de verre. Cette technologie peut produire et amplifier différentes longueurs d’onde de la lumière, en fonction des matériaux incorporés dans la fibre de verre à des fins de densification. Notre système utilise l’holmium. Il n’a pas toujours été facile de trouver les bons composants, mais le système de base fonctionne désormais et nous sommes impatients de le tester dans les installations d’ETpathfinder à Maastricht. »
Ce laser semble être fabriqué sur mesure pour le Télescope Einstein. Vous attendez-vous également à ce que les entreprises s’intéressent à cette technologie ?
MR : « Oui, sans aucun doute ! Maintenant que nous avons démontré qu’il est possible de fabriquer des lasers de grande puissance à cette nouvelle longueur d’onde, des applications dans le domaine de la métrologie ou de la technologie quantique se dessinent à l’horizon. Les intéressés auront sans doute besoin de paramètres laser légèrement différents, mais la technologie de base est désormais éprouvée. »
Qu’est-ce qui rend le travail sur le Télescope Einstein si passionnant ?
PB : « C’est formidable de travailler sur cette technologie ambitieuse dans la perspective qu’elle puisse être intégrée au Télescope Einstein. Surtout si nous pouvons amener les entreprises à travailler avec nous pour améliorer le système. Cette technologie me tient à cœur et je souhaite que les entreprises s’y intéressent. Cette démarche est essentielle en vue de préparer tout le monde à créer une technologie au profit du Télescope Einstein, mais aussi pour encourager les retombées. »
MR : « Outre le défi technique et l’idée que nous contribuons à une installation de recherche internationale pour la recherche en astrophysique ? La dimension régionale de ce projet. Je trouve exaltante l’idée que, dans quelques années, nous pourrions parcourir les collines avec nos familles et expliquer que notre travail est de contempler les étoiles depuis le sous-sol. »