« Le Télescope Einstein, laboratoire juridique pour toute l’Europe »
La juriste Loth Van der Auwermeulen (Université de Hasselt) examine les questions juridiques transfrontalières liées à la préparation, à la construction et à l’exploitation du Télescope Einstein. Pour le bureau de projet du Télescope Einstein dans l’Eurégio Meuse-Rhin, elle étudie les possibilités juridiques de l’observatoire et détermine si le projet peut constituer un laboratoire pour la coopération européenne.
« Lorsqu’on m’a demandé de m’occuper d’une grande partie des préparatifs juridiques pour le bureau de projet, je ne connaissais pratiquement rien du Télescope Einstein. J’avais bien lu quelque part que la ville wallonne de Dalhem rencontrait des problèmes avec des éoliennes prévues pour lesquelles notre Conseil d’État belge avait annulé le permis en raison de leur incompatibilité avec le Télescope Einstein, mais c’est le genre de choses qu’un juriste sait. Depuis, je me suis totalement plongée dans le monde du TE et j’apprends chaque jour à connaître toutes les disciplines impliquées, la façon dont elles sont interdépendantes et doivent être coordonnées. La géologie, la construction de tunnels, la durabilité, la protection de l’environnement, les sciences, tout cela est incroyablement fascinant.
Dans les projets, on voit encore trop souvent un avocat arriver à la toute fin et brandir un livre de droit pour déclarer qu’il y a un problème juridique. Dans le cas d’un mégaprojet tel que le Télescope Einstein, cela serait évidemment problématique. En tant que petite dernière de l’équipe, mon rôle est de tirer la sonnette d’alarme en amont sur les goulets d’étranglement juridiques potentiels et de chercher des solutions. Il s’agit de questions juridiques « classiques », comme savoir qui a vraiment son mot à dire sur la couche de sol à 250 mètres de profondeur où le télescope est prévu. Les différences juridiques entre les pays concernés constituent une préoccupation majeure. Chaque pays applique des règles différentes, qui constituent également le point de départ de la coopération transfrontalière. D’un point de vue juridique, il est très intéressant de voir si nous pouvons décloisonner les différentes réglementations des différents pays et, en d’autres termes, appliquer un seul et unique régime réglementaire à ce projet transfrontalier.
Si l’on examine la question sous l’angle du droit, c’est précisément la raison pour laquelle le Télescope Einstein pourrait jouer un rôle essentiel pour l’Europe. On observe que l’Union européenne encourage la coopération transfrontalière, mais elle tâtonne encore en matière d’encadrement juridique. On est encore loin de pouvoir mettre en place un cadre réglementaire européen unique soutenu par tous les États membres, mais les meilleures pratiques régionales pourraient bien inspirer un futur cadre réglementaire européen. Au sein du Benelux, nous en voyons d’ailleurs de nombreux exemples. En effet, des mesures percutantes ont déjà été prises sur le plan juridique en matière de coopération transfrontalière, et bien que l’Allemagne ne soit pas officiellement membre du Benelux, ils entretiennent une bonne relation. Sur le plan juridique, sa localisation dans la région de l’Eurégio Meuse-Rhin fait donc de ce projet un laboratoire potentiellement très intéressant pour la coopération transfrontalière dans l’Union européenne. Aussi, ce qui, au départ, semble être un piège peut peut-être bien trouver une solution et déboucher ainsi sur des possibilités. Nous espérons bientôt incarner ces meilleures pratiques.
Les gens pensent souvent que les possibilités et les impossibilités juridiques déterminent une situation. Il s’agit pourtant d’une conception erronée. En effet, sur le plan juridique, les possibilités ne manquent pas, mais ce qui importe le plus dans les projets transfrontaliers, c’est le soutien politique et stratégique. Sans ça, on est coincé. Outre les possibilités juridiques, je collaborerai également avec le groupe de travail sur le développement durable pour trouver des solutions. C’est un domaine dans lequel mon université dispose d’une grande expertise. Pour la juriste que je suis, il est particulièrement motivant de voir comment les chercheurs de l’UHasselt osent rêver à des solutions durables pour de nombreuses applications telles que le Télescope Einstein et peuvent ensuite souvent concrétiser ces rêves grâce à leurs recherches.
Ce que je trouve incroyable dans ce projet, c’est que le Télescope Einstein dans notre région frontalière serait en fait construit dans une zone périphérique de la Belgique et des Pays-Bas, tout en apportant une contribution extrêmement positive à l’ensemble du pays. Le fait de pouvoir y participer me donne un sentiment incroyable d’émerveillement. »
-Loth Van der Auwermeulen
Loth Van der Auwermeulen (33) obtiendra son doctorat à l’Université de Hasselt le 8 novembre 2023 pour la recherche sur le rôle du droit administratif dans le cas de la coopération interlocale transfrontalière. Avant d’entamer son doctorat, Loth Van der Auwermeulen a travaillé comme juriste en droit administratif au niveau local. Elle est mère de deux jeunes enfants.